
Ce qui se joue aujourd’hui sur la scène politique sénégalaise dépasse les simples querelles de personnes.
Le plus regrettable dans cette histoire, c’est de voir cette guéguerre politique mettre en avant deux figures — Mimi Touré et Aïda Mbodj — qui incarnent parfaitement le système que l’on prétendait vouloir rompre.
C’est un paradoxe profond : ceux-là mêmes qui, hier, étaient perçus comme les symboles d’une gouvernance critiquée, deviennent aujourd’hui les visages d’un pouvoir qui se disait nouveau. Le changement promis s’est transformé, pour beaucoup, en recyclage du même modèle, avec de nouveaux visages, mais les mêmes logiques.
La rupture, dans son essence, ne se décrète pas — elle se démontre. Elle exige une refonte morale, une révision des pratiques, une gouvernance sobre et transparente. Elle se mesure à la capacité de dire non aux habitudes, aux réflexes et aux arrangements hérités du passé. Or, à travers cette mise en scène politique, le sentiment qui prévaut est celui d’une continuité maquillée, d’une alternance sans véritable alternative.
Les Sénégalais, et particulièrement les jeunes, n’ont pas voté pour des visages, mais pour une espérance de transformation.
Ils ont cru à la possibilité d’un État qui place le mérite au-dessus du clan, la compétence au-dessus du calcul politique, et l’intérêt national au-dessus des querelles d’appareils. Voir cette énergie d’espoir se diluer dans des rivalités d’appartenance est non seulement frustrant, mais dangereux pour la confiance citoyenne.
L’histoire récente du Sénégal montre que les révolutions politiques échouent toujours lorsqu’elles oublient leur sens premier : rendre le pouvoir à la nation, pas à un réseau.
Rompre avec le système, ce n’est pas seulement changer de camp ou de slogan — c’est changer de méthode, refuser le confort des alliances opportunistes, et bâtir une gouvernance où le peuple n’est plus un spectateur mais un acteur.
Le véritable courage politique aujourd’hui ne réside pas dans la conquête du pouvoir, mais dans la capacité à résister au système tout en étant dedans, à gouverner sans trahir la parole donnée.
Et tant que cette exigence ne sera pas tenue, la rupture restera un mot creux, une illusion recyclée à chaque génération.
Mohamed Diallo